
Ce pseudonyme sonnait pour moi comme une évidence puisque, d'une part le bougre occupe peu le terrain médiatique, de l'autre parce qu'il enseigne aux ateliers des Beaux-Arts de Montparnasse. Eh bien, j'avais tout faux !
En effet, si BeARBOZ est bien le nom d'un ours, c'est celui d'un anti-héros de l'aéropostale, créé en référence implicite à Mermoz par Dominique Meyer pour le journal Spirou… Quant au en bas-de-casse, c'est juste une coquetterie typographique, histoire de rappeler que, question typographie, l'artiste en connaît un rayon.
Dominique Meyer, alias BeARBOZ, a donc fait ses classes à l'atelier d'illustration des Arts déco de Strasbourg, aujourd'hui HEAR. Très vite, il dessine dans les colonnes des Dernières nouvelles d'Alsace, quotidien où il publie toujours. En parallèle, avec sa compagne commissaire d'expositions qui organise des échanges internationaux il noue des contacts avec des intellectuels et des artistes marocains.
Titillé par l'envie d'inverser le point de vue, il part s'installer au Maroc où il restera quatre ans. Son engagement se précise alors qu'il collabore avec la presse indépendante marocaine. En 2005, survient la première vague migratoire. BeARBOZ réalise un reportage dessiné sur le mur de Ceuta, qu'il envoie à Charb : c'est le début d'une relation qui perdurera pendant dix ans.
En 2006, de retour en Alsace, il travaille régulièrement pour la PQR et la presse économique. Puis c'est l'appel de Paris et, en 2013, le début d'un contrat avec les ateliers des Beaux-Arts. Il anime le pôle BD/image narrative dans une structure de cours du soir : 15h/18h ou 19h/22h. Les étudiants ont tous les âges, tous les niveaux, et en commun le désir et le plaisir d'observer, d'échanger et d'expérimenter ensemble. Chaque année, BeARBOZ consacre les deux séances de mars au dessin d'actualité et même si les dessinateurs ne sont pas tout à fait dans les clous question date de naissance, ce sont tout de même des étudiants et une sorte de dérogation implicite les autorise à participer au Presse Citron.
Venons-en au dessin gagnant, élu «Trophée Presse Citron/BnF 2024» à une très large majorité par les étudiants d'Estienne. Arrivé, et l'auteur s'en étonne encore, devant les dessins très professionnels de Diego Aranega, Aurel, Camille Besse ou Coco, pour ne citer que les premières lettres de l'alphabet… Les étudiants interrogés sur leur choix sont unanimes : en plus d'être vengeur et muet, le dessin est drôle ! En effet, qui n'est jamais resté abasourdi devant le caractère absurde de la lucarne mimant désespérément les propos généralement abscons des politiques ? Absurde qui culmine lorsque l'auteur nous apprend que ce dessin lui est venu en… regardant en direct les vœux du président.
Compassion. N'avait-il, en ce jour singulier, rien de mieux à faire ? Le métier de dessinateur de presse est décidément fait pour les ours.