Cette année c’est la ville de Cambrai qui ramène la coupe à la maison. Que dis-je, la coupe : le Trophée Presse Citron/BnF catégorie étudiants ! En effet, la lauréate de la 31e édition est une étudiante de l’École supérieure d’arts et de communication de la ville de Cambrai. Celle-ci n’est pas inconnue au bataillon puisque je l’avais rencontrée à l’occasion d’un atelier de découverte et d’initiation au dessin de presse, au début de l’année, dans le cadre des actions menées en préparation aux différents concours. Favoritisme ? Non, juste un peu de boulot…
Du boulot, avec un dessin pareil ? La force de ce dessin réside en effet dans sa simplicité. Qu’est-ce qu’on voit : d’abord le titre : « Le Sénat refuse qu’un congé soit créé en cas de règles douloureuses » ; puis une femme ou fille, la tête contre le sol, recroquevillée de douleur, le bras en l’air, le pouce bandé et coiffé d’un « merci » ; dessous, une petite flaque de sang, et puis la signature en bas à droite. Rien de plus. En soit, il n’y a rien de bien complexe dans ce dessin. Toutefois, il y a ce qu’on apprécie dans ce genre-là : un gag graphique, autrement dit une réponse par le dessin à un sujet de société.
Pour l’atelier, nous étions arrivés munis d’une pile de journaux et de magazines d’actualité, quotidiens et hebdomadaires, afin d’inonder les tables des étudiants. Laure est tombée sur un article qui devait titrer « Le Sénat refuse qu’un congé soit créé en cas de règles douloureuses ». Ce fut à la fois le point de départ de son dessin et son titre, ce qui doit bien faire enrager tous les participants qui se sont cassé la tête à trouver le texte adéquat. C’est la bonne mécanique - informer les lecteurs et partir de l’actualité - et c’est dans le dessin que survient le décalage.
Laure nous a dit que l’idée lui était venue directement : factchecking. Et c’est vrai. Sa femme en souffrance qui remercie avec ironie, c’est toute l’idée qu’elle souhaite défendre et l’outil de sa critique. Si le Sénat a retoqué une proposition de loi pour des congés menstruels, c’est en partie parce qu’il n’est peut-être pas concerné. La souffrance vient en décalage avec le merci, la femme sans visage devient toutes les femmes, et le « merci », comme une insulte à la gueule des vieux croûtons de l’hémicycle (pas menstruel).
À la cérémonie de remise des Trophées Presse Citron/BnF, Laure a déclaré qu’elle ne s’intéressait « pas plus que ça » au dessin de presse : de quoi, encore une fois, faire enrager certains participants. Mais son dessin fonctionne et gagne par la force de son message, parce qu’on ressent une colère et la dénonciation d’un fait d’actualité. Bravo à elle.
